Un peu d’Histoire

Le réveil sourd

En France

Durant un siècle, jusque dans les années 1980, la langue des signes est interdite, méprisée et marginalisée aux seules associations de sourds. Dans les établissements les moins stricts, elle est permise dans les cours de récréation. Ceci explique les difficultés pour les sourds les plus âgés de tenir une conversation en langue des signes devant des entendants sans avoir un peu honte. Cependant, durant les années 1980, se produit ce que les sourds appellent le « réveil sourd ».

Tout commence avec la rencontre de Jean Grémion, écrivain, journaliste et metteur en scène français et d’Alfredo Corrado, un artiste sourd américain. Alfredo arrive dans une France où, après un siècle d’interdiction de la langue des signes, les sourds ont honte de leur langue et se cachent pour se réunir.

Jean Grémion et Alfredo le Corrado créent en 1976, l’International Visual Theatre (IVT), installé dans la tour du Village du Château de Vincennes. Dès lors, ils travaillent à la requalification de la langue des signes. Leur principal vecteur sera le théâtre, mais l’IVT développera également une politique de recherche linguistique et de pédagogie autour de la langue des sourds. Les cours de langue des signes ont déjà un succès permettant aux entendants de découvrir le monde des sourds.
En 1977, le Ministère de la Santé abroge l’interdit qui pèse sur la langue des signes12. De grands noms sortiront de cette association : Emmanuelle Laborit, devenue depuis la directrice de l’IVT, se fait connaître en recevant, en 1993, le Molière de la révélation théâtrale pour son rôle dans Les Enfants du silence. Depuis, elle est, en quelque sorte, l’ambassadrice des sourds. Elle enchaîne les rôles au théâtre comme au cinéma, avec une filmographie impressionnante. Elle est également régulièrement présente sur la scène publique, comme lors de son engagement contre Jean-Marie Le Pen, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002.

Après l’IVT, de nombreuses associations de sourds ouvrent leurs portes aux entendants en leur proposant des cours de la langue de signes. Ces formations, les films, le théâtre et l’engagement de plusieurs associations dans la sensibilisation pour la culture sourde, permettent une meilleure reconnaissance des droits des sourds.

Durant ces années et jusque récemment, de nombreuses manifestations sont organisées afin de demander la reconnaissance de la langue des signes française. Ce n’est qu’en 1991, par la loi Fabius, que l’Assemblée nationale autorise l’utilisation de la langue des signes française pour l’éducation des enfants sourds13. En 2001 est diffusé à la télévision le documentaire Témoins sourds, témoins silencieux de Brigitte Lemaine et Stéphane Gatti14, un documentaire sur les sourds et les handicapés qui ont été les premiers visés par la politique d’hygiène raciale du nazisme dès 1933. L’interdiction de la langue des signes est la violence révélatrice de la volonté destructrice de ce régime. Un signe avant-coureur du massacre. En 2005, la langue des signes française est reconnue comme une langue à part entière.

L’éducation de langue des signes

La rencontre entre Charles-Michel de L’Épée et les sœurs sourdes

Charles-Michel de L’Épée
Article détaillé : Charles-Michel de L’Épée.
L’abbé de l’Épée est sans doute la figure historique la plus connue de la population sourde. Cet entendant est à l’origine de l’enseignement spécialisé dispensé aux jeunes sourds, ainsi que l’accès à des méthodes gestuelles pour mener à bien cette éducation.

L’évènement qui marquera sa vie et sa carrière se déroula en 1760. Cet épisode est raconté de plusieurs manières entre les Sourds. Le mythe fait preuve d’une grande dramaturgie. Il présente l’abbé de l’Epée, un soir de pluie battante, cherchant un abri où se protéger. Il aperçoit alors, derrière une porte entrouverte, deux sœurs sourdes, en train de discuter entre elles grâce à des signes. L’abbé, intrigué, pénètre dans la maison et propose à la mère de prendre en charge l’instruction de leurs filles. La réalité historique est sans doute beaucoup moins singulière. Il est probable que ce soit à la mort de leur précepteur, le père Vavin, et en l’absence de résultat par les méthodes traditionnelles, qu’elles aient été confiées à l’abbé de l’Epée.

Réalisations

La force de l’abbé de l’Épée n’a pourtant pas été, comme on le pense souvent, sur la langue des signes. L’abbé enseignait avec des gestes et une méthode de son invention, les « signes méthodiques », mais il ne connaissait pas la langue de ses élèves. On peut porter à son crédit d’avoir reconnu l’importance du gestuel pour l’éducation des sourds, mais aussi d’avoir offert une place pour les sourds et les signes, grâce à ses démonstrations publiques, jusque devant le roi.

Enfin, le plus grand bienfait qu’il ait accompli, presque involontairement, c’est d’avoir réuni de jeunes sourds, autrefois isolés, qui ont ainsi pu développer et perfectionner la langue des signes.

Ferdinand Berthier

Personnage mythique dans l’histoire sourde, Ferdinand Berthier représente un modèle de réussite et d’intelligence pour les sourds, et qui, depuis dix ans, ne cesse d’être de plus en plus valorisé et mis en avant.

Ferdinand Berthier devient l’un des premiers professeurs sourds dans ce même institut en 1829, puis doyen des professeurs. Il représentera à la fois la figure de l’intellectuel sourd et du militant pour la langue des signes6.

Cet érudit est considéré, dans la société civile, comme l’un des intellectuels de l’époque. Auteur de nombreux livres et articles, il entretiendra une correspondance avec les ministères et le roi, ainsi qu’avec des intellectuels de son époque, comme Victor Hugo. Victor Hugo avait écrit à Ferdinand: « Qu’importe la surdité de l’oreille quand l’esprit entend ? La seule surdité, la vrai [sic] surdité, la surdité incurrable [sic], c’est celle de l’intelligence. »7.

Du côté de l’activisme militant pour la cause sourde, Ferdinand Berthier se bat toute sa vie pour la reconnaissance de la langue des signes et des droits des sourds.

Partagez cette page sur :
           

Mentions légales

 BAB’YSA SIGNE
Directrice de publication :
Isabelle MOMMÉA
102 La Chapelle,
44110 St. Aubin-des-Chateaux

Tél.: +33 6 38 59 53 32

Association : N° : RNA : W191003177

Membre de : http://bebefaismoisigne.com/